9 novembre 2009 1 09 /11 /novembre /2009 08:00

Citoyennes, citoyens,

 

2008-02-9-Manif-Mairie-009

 

Vous le savez bien: chaque 9 du mois, nous dévoilons les noms de cinq nouveaux participants à l'action mémorable du 9 février dernier. Une action citoyenne, intergénérationnelle, populaire, indépendante, politique, culturelle, historique, pacifique, joyeuse, bruyante, innovante, médiatique et qui a prouvé son efficacité (nous aurons l'occasion de le montrer). Encore une fois, nous avons droit à une galerie impressionnante,  qui force le respect.


Willy RONIS.
L'un des plus célèbres photographes français, traditionnellement rangé parmi les artistes humanistes et réalistes, peut se vanter d'être l'auteur de   plusieurs centaines de clichés.
Beaucoup ont pu figurer soit dans des recueils, comme Sur le fil du hasard (1981), qui lui valut le prix Nadar, ou dans des expositions, dont la plus impressionnante reste celle de 1996-1997 au Pavillon des Arts avec 273 oeuvres.
Il eût été surprenant que dans cette oeuvre gigantesque, aucun Schweighousien ne figure. Et en effet, sur une photographie du 14 juillet 1936, prise rue du Faubourg Saint-Antoine, figure un gars de chez nous, "monté" à Paris en 1928, après avoir été renvoyé de la Papeterie pour "fait de grève, provocation et incitation à la révolution". Devenu membre du Parti Communiste dès 1929, il participe à toutes les réunions et manifestations organisées  à Paris dans le cadre Front Populaire. C'est donc logiquement qu'il se retrouve là le jour de la fête nationale, avec ses camarades de section. Il est à gauche pour nous, derrière l'enfant le plus jeune (qui se mordille le pousse). Bien sûr, il lève le poing, bras droit cassé. Malheureusement, son camarade  juste devant lui cache son visage avec son bras gauche, ce qui ne permet pas de le reconnaître formellement.
Mais lui s'est reconnu. Il a rencontré l'auteur, qui a bien voulu lui faire un double et que sa fille, qui vit  à Schweighouse, possède. Vous imaginez bien qu'elle l'a garde pieusement.


Christine de PISAN.
Considérée comme la première femme de lettres française, elle accomplit, entre 1400 et 1418, soit après la mort de son époux, l'essentiel de son travail , avec des  oeuvres philosophiques, poétiques et politiques, comme La Cité des Dames (1404-1405).
Tombée dans l'oubli, puis déconsidérée jusqu'à la fin du XIXème siècle, elle est redécouverte au siècle suivant.
Avec Mathilde Laigle d'abord, qui en  1912 publie un ouvrage tentant de la réhabiliter. Lors d'une conférence tenue à Strasbourg pour présenter son livre, une personne du public, un jeune prétentieux  qui se présente comme un "érudit médiéviste local" , et qui prétend avoir fait exprès le trajet depuis Schweighausen, lance (en alsacien) : "Elle aurait mieux fait de se trouver un autre mari et de s'occuper des gamins". Devant l'hostilité de l'assistance, essentiellement féminine, il quitta la salle.
En 1982, donc soixante-dix ans plus tard, c'est Régine Pernoud qui cette fois lui consacre un livre, dans lequel elle la présente comme la première féministe. A l'occasion là encore d'une conférence à l'université de Strasbourg, le même "érudit local médiéviste", plus tout jeune, mais toujours aussi prétentieux et croyant nécessaire de préciser qu'il est venu spécialement de Schweighouse-sur-Moder, lance (toujours en alsacien): "Je vous l'ai déjà dit la dernière fois: elle aurait mieux fait...". "Oui, on sait, de se trouver un autre mari et de s'occuper de ses gamins! ". Tout le monde se retourne vers celle qui a interrompu l'homme d'une voix forte (elle aussi en alsacien). Il s'agit de sa femme, dont il ignorait la présence, et qui ajoute:
" C'est justement ce que j'ai fait, et je m'en mords les doigts!" (toujours en dialecte, et en ajoutant  d'autres mots savoureux qui se sont perdus). Et le public, très nombreux, de se lever et d'applaudir à tout rompre. Cela l'aida à demander le divorce deux mois plus tard...à 96 printemps!


Pierre-Auguste RENOIR.
Parmi les toiles les plus fameuses du très populaire peintre impressionniste, on peut citer Le Bal du Moulin de la Galette (1876), ou encore Les Grandes Baigneuses (1887).  Comme beaucoup de ses pairs, il est passé par plusieurs périodes. 
Ainsi, son style évolue à la faveur des voyages qu'il effectue dans les années 1881-1883 et qui le mènent dans le sud de la France, au Maghreb et en Italie.
Ebloui par les paysages, la lumière  et les toiles des grands maîtres, Raphaël en particulier, il décide de regagner la France à vélo afin de trouver sur la route des sujets d'inspiration.
Parti seul de Marano, sac au dos, il traverse les Alpes et passe par l'Alsace, allemande à l'époque. Son escale de trois jours à Schweighausen lui permet de réaliser un croquis qui deviendra Jeune fille au chapeau de paille (peint vers 1884). Le modèle est resté anonyme, ce qui ne manque pas, encore aujourd'hui d'alimenter les polémiques dans notre commune quant à son identité. Plusieurs noms circulent, mais aucun ne l'emporte.
Si seulement le carnet de route rédigé par le peintre tout au long de son périple avait été sauvé! Hélas, il l'aurait oublié dans la charette du paysan qui l'a aimablement transporté pour effectuer les derniers kilomètres...


Léon WERTH.

Inclassable, rebelle, libertaire, anticolonialiste mais antistalinien, insoumis, brillant, anticlérical,  à la fois écrivain, essayiste, journaliste et critique d'art, mais aussi voyageur et amateur de sport, il aurait pu rececoir le Prix Goncourt en 1913 pour La Maison Blanche (mais Alain-Fournier et son Grand Meaulnes n'était pas mal non plus). Pleinement reconnu et apprécié à sa juste valeur aujourd'hui pour son témoignage précieux d'une lucidité rare sur la débâcle et les années sombres de l'Occupation, avec 33 Jours (1992) et Déposition/Journal 1940-1944 (1946), il connaît également l'honneur d'être celui à qui est dédiée l'une des oeuvres les plus lues et les plus populaires des lettres françaises: Le Petit Prince, de son ami Saint-Exupéry.
Ce dernier lui rend hommage, mais plus précisément "quand il était petit garçon". Et Dieu sait que le petit Léon a été un enfant précoce, mais aussi que, devenu grand, il n'oublia jamais l'enfant qu'il avait été.
En 1881, âgé de trois ans seulement, il accompagna son oncle maternel , le philosophe Frédéric Rauh, qui présentait son livre Le Vers latin mourant, élégie (1880). Ils passèrent deux mois en Allemagne, et notamment à Schweighausen où un monsieur qui se disait important demanda à son oncle ce qu'un enfant de cet âge pouvait bien faire là, plutôt que de rester avec sa mère, au foyer. C'est ce jour là que Léon s'est promis de se battre pour que les enfants soient traités comme des personnes à part entière, et que les adultes n'oublient pas qu'ils ont été enfants.
Revenu en 1953 à Schweighouse-sur-Moder pour de toutes autres raisons que la première fois, il put malheureusement constater qu'il restait bien du chemin à parcourir.
Que dirait-il s'il revenait aujourd'hui?


Charles-Adolphe WÜRTZ.
Natif de Strasbourg (1817), ayant vécu son enfance à Wolfisheim , ce fils d'un pasteur luthérien avait pourtant un destin tout tracé: études de théologie pour suivre la voie paternelle et devenir pasteur à son tour. Pourquoi a t-il fallu qu'il choisisse les sciences, d'abord la médecine puis la chimie? Certes, cela lui a réussi, puisqu'il est devenu un chimiste reconnu, premier titulaire de la chaire de chimie organique à la Sorbonne, co-fondateur de la Société Chimique de Paris, membre de l'Académie des Sciences, rédacteur d'articles pour les Annales de chimie et de physique, auteur de plusieurs ouvrages comme la Traité de chimie biologique (1885), co-découvreur de la synthèse Würtz-Fittig.
Quoi d'autre que l'amour aurait pu le pousser à emprunter un autre chemin que celui souhaité par son père? C'est à Schweighouse, le premier mai 1833 qu'il rencontra Marguerite, la passion de sa vie. Passion aussi forte qu'éphémère: elle mourut six mois après, d'une maladie incurable à l'époque. Inconsolable, le jeune Charles-Adolphe décida que Dieu n'existait pas et qu'il valait mieux consacrer sa vie à la science.
Malgré la réussite, les honneurs, les titres et la gloire, jamais il ne cessa de penser à sa petite Marguerite. Chaque premier mai, il effectuait un pèlerinage discret sur le lieu de leur première rencontre, pour y déposer une fleur éponyme.
Mais nul ne connaît ce lieu, qu'il a toujours tenu secret.  Enfin, il y a bien une personne, qui prétend le savoir, mais elle a quitté Schweighouse depuis longtemps et refuse de le dévoiler. Peut-être parviendrons-nous à la convaincre de parler.






Certains, à Schweighouse, seraient bien inspirés de prendre exemple sur tous ces personnages!
Le prochain 9 du mois, ils auront l'occasion une nouvelle fois de recevoir quelque leçon d'humanisme (rhénan ou non, peu importe).

Vincent-002-copie-1Vincent FAVRE.

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